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Année : 2020

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La norme et son contraire

Le « permis d’innover, d’expérimenter, de faire » ou l’imagination performante des architectes face aux règlementations environnementales - La loi ESSOC et les nouvelles approches expérimentales du projet

Depuis la première formulation du développement durable dans le rapport Brundtland en 1987, qui a été suivi par différents sommets et accords sur la Terre, s’est formé un imaginaire écologique normatif propre à guider rationnellement la construction d’une société « idéale » entre différentes nations. En France, le renforcement de normes de construction, notamment les réglementations thermiques RT2012 et environnementales RE2020, constitue une mise en application de cette ingénierie écologique.
De tels cadres normatifs qui visent principalement à optimiser la performance énergétique de l’environnement bâti acculent les architectes à concevoir au préalable la spatialité de leurs projets selon des solutions techniques formalisantes.
De la même manière que l’« avion incorpore dans un objet technique le rêve humain de s’élever dans les cieux » (Supiot, 2015), le projet architectural homologué par la norme technique incorpore le paradigme de performance environnementale pour un profit d’efficacité. Dans ce contexte de transition énergétique, les architectes réclament aujourd’hui moins de contraintes techniques règlementaires et une liberté d’action quant aux solutions de développement durable à apporter dans le secteur du bâtiment. Faisant suite à la loi LCAP qui avait introduit le « permis d’innover », la nouvelle loi ESSOC « pour un Etat au service d’une société de confiance » constitue peut-être la réponse à leurs revendications. Cette loi autorisant le « droit d’expérimenter » permettrait aux architectes de déroger aux règlementations dès lors que leurs réalisations a priori « non conformes » atteindraient des résultats équivalents en termes de performance environnementale. De ce fait, les architectes devraient pouvoir légitimer d’autres méthodologies opérationnelles de travail vis-à-vis des normes conventionnelles. Aussi, qu’advient-il lorsqu’une loi légitime la dérogation aux normes comme une nouvelle norme de fonctionnement ? « Dans l’ordre du normatif, le commencement, c’est l’infraction », écrivait Georges Canguilhem. Une norme, selon la pensée de ce philosophe médecin, suppose toujours d’autres régularités possibles à la régularité de fonctionnement qu’elle-même détermine. En ce sens, avec la loi ESSOC semble s’instaurer un dispositif complexe où les pratiques normatives et « hors normes » sont amenées à se compenser, se modifier ou se combiner.

Voir en ligne : Journée d’études doctorales, organisée par ENSA Bretagne